Tes dents se sont tellement serrées que t'as cru qu'elles allaient péter ... Ca serait con, parait que ton plus grand charme, c'est ton sourire coincé. Parait-il. Mais tu n'es guère d'humeur à sourire. Pas alors que la ceinture lacère ton dos, encore une fois. Tes mains se crispent sur le mur de bois, ses dents mordant le torchon qu'il t'a enfourné dans la bouche pour étouffer tes cris. T'as mal ... Tout ça, parce que tu as traîné à la sortie du lycée, discuté avec de beaux visages et des voies doucereuses. Il a cru que tu en baisais un autre, que tu as trahi sa confiance et son amour incommensurable ... Lorsque sa rage s'est suffisamment déversée sur toi, il prend le temps de retrouver son masque d'homme parfait, d'homme ordinaire sur qui on fantasme dans les magazines. Tu sais qu'il se recoiffe et réajuste sa chemise avant de venir vers toi, t'entend ses pas s'approcher, tel un glas funeste. Sa main sous ton menton te donne l'impression de papier de verre malgré la sueur et les larmes dégoulinant de ta mâchoire. Ses lèvres se déposent dans ta chevelure d'or, ce baiser se veux tendre, il te parait lacèrent ... Il t'abandonne ensuite là et sort de la maison comme si de rien n'était.

C'est devenue un automatisme, tu enfiles un t-shirt noir qui dissimulera le sang sur ton dos, tu prends tes cliques et tes claques après avoir gobé ta pilule qu'il a laissée pour toi sur la table à côtés d'un grand verre d'eau, plus grand que ta tête. Et pourtant t'as une sacrée longue gueule. Tu traverses la rue, les quelques pas à faire te paraissent interminable. Tu toques et t'attend, c'est pas rare de te voir débarquer à cette porte, c'est même une habitude, on s'étonne plus. Toi et Gabi on vous voit ensemble depuis que vous êtes mômes. Elle est l'ange placée sur ta route pour sécher tes larmes, pour te remettre sur les railles, si la douce jeune femme parvient à effacer tes larmes, malheureusement elle n'a sut te retenir sous la lumière chrétienne. "Salut Gabi ... Je te dérange pas ?" Tu poses toujours la question, car t'as toujours peur que se soit le cas ... T'as peur de la soûler à force, mais pourtant depuis toutes ces années elle est toujours là. Tu te demandes bien comment tu peux avoir une amie comme elle, tu ne la mérite pas la douce Gabrielle. Ton dos te fait un mal de chien t'as encore les joues humide de tes larmes, tu t'en rends compte et tu les chasses avec la manche de ton pull oversize et tu cales un sourire maladroit sur ta bouille de cul béni. T'as encore les mains tremblantes, tu les caches dans tes manches. "Comment, c'est passé la distribution des tracts aujourd'hui ?" T'essayes de faire comme si tout allait bien, tu essayes de ne pas craquer tout de suite, tu essayes d'être fort quelques instants, sûrement en vain car ta misère se lit dans tes grands yeux.
   

Elle te rassure, te sourit, comme toujours. Tu te demandes comment elle fait pour te supporter. T'es le gamin malheureux tout le monde sait ça, t'es le gamin qui rend la vie de ton papa bien difficile ... Ouais, c'est toi la charge, c'est toi qui l'accables. Personne ne va imaginer ce qui se cache derrière le beau visage de cire paternel. Elle prend ta main et t'engouffre dans sa maison. Les maisons ont bien du mal à se réchauffer dans la petite ville, elles sont froides comme le Coeur de ses habitants. Mais tous ne sont pas des glaçons hypocrites, ton amie en est la preuve pour toi. "Je sors de chez moi, vu qu'il y a que quelques pas entre nos portes, je n'ai pas pris de manteau." Tu n'y as pas pensé, ton dos te brûle encore et te tient chaud. "Faudrait peut-être que vous mettiez les tracts dans les boites aux lettres ? Une fois finis vous pouvez rentrer vous réchauffer en étant sûr que votre message à été délivré" Ca éviterai à Gabi de faire la potiche dans les rues glacées du village ... Enfin se n'est pas comme si tu te souciais du message chrétien, tu as rejeté dieu, elle le sait. C'est une des rares, car tu continues d'accompagner ton père à l'église, tu fais semblant de prier à la maison ... Pour ne pas recevoir de nouveau coups, pour qu'il ne s'énerve pas contre toi. Mais tu n'as pu le cacher très longtemps à ton amie, tu as eu peur qu'elle te rejette à cette nouvelle, la jolie Gabrielle si pieuse. Mais, une fois encore ... Elle est restée à tes côtés. Vraiment tu la mérite pas.

La couverture malgré sa légèreté appuie sur ton dos, mais tu ignore ces piqures d'aiguilles sur ta peau car il fait froid dans la maison et ton excursion bien que courte dehors sans manteau t'as frigorifier, ou bien est-ce cette mort dans ton âme qui te fait trembler ? Les questions tombent ... Tu as dut mal à retenir ton sourire encore bien longtemps, tu la regarde, la jolie demoiselle. Tu déglutit avec difficulté. "mon père ..." souffle-tu péniblement ... ce n'est surement pas une surprise pour elle ... Tu baisses le regard sur le planché, honteux. "Ca a recommencé ... Tout ça parce que j'avais dix minutes de retards aprés le lycée ... C'est toujours pareil ... il ... Il va s'imaginer des choses et ...et il me punit ensuite ..." Tu pinces les lèvres et les paupières essayant de ne pas pleurer de nouveau. "J'ai l'impression d'être un disque rayé ... Combien de fois suis-je venue te voir les joues humide et l'âme mortifié ? Combien de fois j'ai prononcé ces mots ... mon père ..." Tu as l'impression d'être coincé dans un cercle vicieux qui se répète ... Dont tu ne peux t'échapper. Tu te recroqueville sur toi-même, la honte te montant à la gorge, rendant ton souffle difficile. "S'il ne laissait pas mes pilules dans un placard vérouillé ... je les aurais déjà toutes avalées ... Je n’embarrasserais plus personne alors ..." finis-tu par lacher ne pouvant retenir tes larmes plus longtemps ... Tu ne lui avais encore jamais parlé de tes envies de morts ... Est-elle au courant pour tes bras lacérées par tes soins ? Tu l'ignores ... Tu regrettes déjà de lui avoir avoué tes pensées sombres ... Mais il est trop tards.